






Coucou Delphine!
Il m’est venu l’envie soudaine de préparer ton séjour. Encore une vingtaine de jours, et te voilà ici, au Camping Jobi, au milieu de notre salon, sur le tapis à floches. Ne t’inquiète pas, tout sera prêt: le matelas gonflé, l’aspirateur passé, le coup de loque donné. Heureusement qu’on a des invités pour penser à faire le ménage. Ou suis-je vraiment la seule qui me sert de cette excuse? Bref, je me réjouis de te voir, toi et Mich! (Je peux dire Mich? Enfin, on règlera les formalités plus tard). Pas de panique, il y aura du décrassage au programme cette semaine déjà, ce vendredi nous accueillons deux amis qui ont gentiment accepté de tester la logistique avant votre arrivée.
Mis à part l’intérêt pour les produits de nettoyage ‘éco’, je pense que toi et moi, nous partageons une certaine curiosité. Toi encore plus que moi, si si. Toi aussi, tu as du mal à débarquer quelque part sans bien savoir où tu es, quel est le pourquoi du comment? Je te rassure: ici, ils ont pensé à tout. Aujourd’hui encore, j’aperçois un resto (note : au plein milieu de la zone touristique) avec un nom très pratique, au cas où tu ne sais plus si tu te trouvais à Córdoba ou à Uppsala… Hop, voilà que surgit le Berlin Tapas. Au cas où …
Sauf erreur de ma part, il s’agit de ta première visite de cette charmante capitale. Mais que sais-tu sur Berlin? Quel est le symbole de la ville? Qui est Ampelmann? Et savais-tu que cette bonne vieille machine sur laquelle tu me lis, l’ordinateur, est une invention berlinoise? Je me disais bien qu’un briefing s’imposait (ou une note, question de rester dans le jargon). Une chose n’est on ne peut plus simple : les couleurs de la ville sont le rouge et le blanc. Bienvenue!
Je pourrais te faire un copier-coller de la page wikipedia sur Berlin, cela irait plus vite. Les faits y sont et me semblent, d’après mon humble expérience jusqu’à présent, correspondre à la réalité sur le terrain. Mais une des premières choses qui te frappera sans doute en étant ici, ce sont ces magnifiques tuyaux roses et bleus à 3-4 mètres au-dessus du sol qui traversent la ville plic ploc. Du gaz? Des rats? De la bière? L’oeil de Moscou? Et pourquoi rose? Mystère (m’enfin, si tu brûles d’envie de savoir … et te voilà aussi briefée sur l’origine du nom de la ville). Heureusement que la ville n’est bleue et rose bonbon qu’en apparance : le coeur de Berlin est bel et bien rouge vif. Je ne parle pas seulement de hôtel de ville, la rotes Rathaus, et de nombreuses églises, mais de la politique locale et donc des berlinois.
Comme tu le sais, Berlin a connu un passé assez mouvementé ce dernier siècle. L’empire, la première Guerre Mondiale, la République de Weimar avec ses hauts et ses bas, le Troisième Reich et l’idée de faire de Berlin la capitale mondiale – Germania – les Jeux Olympiques, la deuxième Guerre Mondiale, la destruction de la ville, l’après-guerre et la division, le pont aérien, le communisme, le Mur, sa chute et la réunification. Il s’en sont passé des choses. L’histoire a laissé ses traces partout dans cette ville où les dimensions se croisent et les extrêmes se cotoyent.
Ce matin, on visitait une des quelques expos en plein air sur le Mur. En novembre, la capitale fêtera les 25 ans de la chute. Un quart de siècle! Toi et moi, on n’a pas vraiment connu ce monde est-ouest. Le temps qu’on comprenne, les choses avaient changé, l’europe s’était élargie. Mais le Mur est encore bel et bien là, et pas seulement sur les quelques sites où il est resté visible et par terre, où il continue à suivre sa trace, question de ne jamais oublier. Non, il est par exemple encore étonnement présent dans l’isoloir.
C’est vrai qu’ici, trois mondes se rejoignent : l’est, l’ouest et le nouveau monde. D’un petit détail à une énorme statue ; tu es sans cesse catapulté dans le passé. J’ai fait la connaissance de Sebastjan, un sympathique Berlinois avec qui je parle français. En retour, il me corrige mes fautes en allemand. Pratique, non? On passe des heures à parler de tout et de rien, et hier je lui expliquais mon étonnement de voir des jardins ouvriers un peu partout en ville, dont au centre de Berlin-Ouest à Schöneberg, alors que les Berlinois se plaignent d’un manque d’habitations. Attention! Tu sais que j’ai le coeur vert : loin de moi de proposer de raser ces jardinets si romantiques, mais il y a de quoi être étonné quand-même. Il m’explique qu’il faut mettre ça dans son contexte historique : pendant longtemps, les Berlinois de l’ouest ne pouvaient pas facilement sortir de la ville pour aller se dépayser à la campagne, le Mur était dans le chemin! Fallait y penser, mais c’est d’une logique implacable.
Tu verras : ici, tout est possible, dans tous les genres et catégories. C’est une bouffée d’air géniale, mais le visiteur sans esprit ouvert ne fera pas long feu ici. La capitale n’est absolument pas représentative pour le restant du pays, bien que ses extrémités rebelles et alternatives se soient quelque peu arrondies. Bien que je n’ose pas te raconter ce que j’ai vu dans le parc hier, il faudra que tu viennes jusqu’ici …
Ah oui, une dernière chose : il y a quelques jours, quand je lui ai demandé pourquoi il est venu habiter ici, un autre Berlinois m’a répondu :
“Parce que j’aime manifester.”
Une raison tout à fait valable, et je confirme : il y a des manifestations tous les jours. Jo et moi nous y sommes déjà retrouvrés plusieurs fois, par hasard. A deux reprises, on s’est jeté dans le bain : la cause nous semblait juste. J’ai comme l’impression que ça pourrait te plaire. C’est pourquoi le soir du 29 août, nous avons rendez-vous avec 3000 autres cyclistes dans les rues de Berlin… Critical Mass, accroche-toi, Delphine arriiiiiive!
Grosse bise et à bientôt!
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