Cara Roma,
Tu me donnes la hantise de la page blanche. Pourtant, ce ne sont pas les mots qui me manquent en général, en tous cas pas par écrit. Par où commencer ? Et surtout, sans être trop négative ? Mon papa m‘a appris que si l’on n’avait rien de positif à raconter, autant se taire. Il n’a pas tout à fait tort.
Je me suis faite à l’idée que mes paroles n’ont rien de crédible pour le visiteur éphémère. Tu es la Ville Éternelle, celle qui nous accueille par un soleil resplendissant depuis deux semaines, capitale de l’histoire de l’art, de l’italien éperdument romantique, des vespas, des femmes sensuelles et des hommes soignés et de la cuisine de la mamma à s’en lécher les doigts. Mais pour moi, tu es avant tout la capitale des contradictions.
Ne t’inquiète pas, je me rends pleinement compte que mon objectivité et ma patience laissent à désirer : le choc entre Berlin et toi est bien présent. Peut-être que nos débuts auraient été moins nébuleux si je venais directement de Bruxelles ? Mais voilà, je n’ai pas la meilleure volonté du monde ces jours-ci. Ta cousine germanique me manque plus que je n’ose me l’avouer. J’essaie… vraiment, j’essaie de te présenter mon plus beau sourire, mon plus grand enthousiasme, mes pensées les plus positives et mon énergie la plus débordante. Rien n’y fait : tu m’exposes tous tes clichés, et mon esprit fuit direction nord.
Ça me fait chaud au cœur de voir que Jo t’apprécie d’autant plus. Il rétablit quelque peu l’équilibre et joue le jeux : les lunettes solaires et la Gazzetta dello Sport en main, il caffè au comptoir au matin et son enthousiasme et sourire éternels comme alliés tout au long de la journée. Il papote avec tutti (et pour les néerlandophones : Een hond met een hoed op en hij is vertrokken…) et se jette pleinement dans chaque nouvelle aventure. Bien que tu aies déjà réussi à le hérisser plus d’une fois, tu sais. Il t’aimera néanmoins toujours, n’aie crainte.
Il faudra en revanche être douce et patiente avec moi. Essaie de me surprendre de temps en temps, comme tu le fais si bien avec une petite piste cyclable par-ci et un cappuccino au soja par-là. Je te promets que je ferai de mon mieux, moi aussi, en voyant un nouveau défi à relever dans chaque frustration. C’est un dilemme que je me pose souvent: quitte à choisir, faut-il opter pour la perfection, le bonheur (et qui sait, l’ennui) garanti ? Ou faut-il aller vers la situation moins évidente, se retrouver là où on peut faire bouger les choses, avoir un véritable impact, par des chemins parfois pénibles ?
Dans exactement deux mois, nos chemins se sépareront à nouveau. Les premières impressions sont souvent faussées. Néanmoins, nous ne deviendrons jamais des âmes sœurs, toi et moi. Heureusement que le temps arrange beaucoup de choses.
Ti saluto speranzosa che mi sorprenda.
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